Un duel entre le ciel et l’eau qui oppose deux hommes dans des paysages d’une beauté à couper le souffle, le Saskatchewan et son climat féroce
On a longtemps parlé du Québec comme de la Belle-Province, la faute à quelques uns de ses paysages grandioses, par exemple du côté des Laurentides ou le long du Saint-Laurent. Ronald Lavallée, journaliste et réalisateur canadien, a lui choisi le Saskatchewan, dans le Grand nord canadien, pour installer la trame de son quatrième roman. Une province pas si loin du Québec, à la lisière du monde donc, avec ses forêts boréales peuplée de meutes de loups, d’orignals et d’ours, où il ne se passe strictement rien. À part, au sortir de l’hiver, l’éclosion de vagues de maringouins, de mouches et de taons qui pourrissent la vie des rares autochtones et des autres… Quelque part, l’enfer sur la terre, mais un enfer éblouissant.
Une traque insensée au bout du monde
En 1914, le constable Mathew Calwood vient prendre son poste au nom de la couronne d’Angleterre dans un village de misère composé de quelques huttes basses. Une de ses missions, c’est mettre la main sur un homme en fuite accusé d’avoir assassiné sa femme et sa petite fille.
C’est le début d’une traque insensé à pied, en canoë et en traineaux à chiens en remontant vers le Grand nord à travers des territoires gorgés d’eau, le long de fleuves interminables, de lacs gelés une bonne partie de l’année, dans des forêts où un soleil rouge sang peine à percer une brume de premier matin du monde.
Un polar donc, où l’immobilité des origines est percutée par le conflit mondial qui vient d’éclater du côté de la vieille Europe. Et ce duel entre deux hommes dans le territoire des indiens Cris au climat féroce, désespérant, dont l’auteur parvient pourtant à restituer la splendeur glaciale. L’écriture, parfois lyrique, et la richesse de ces héros du bout du monde, y sont pour beaucoup : Ronald Lavallée construit ainsi, au fil des pages, une véritable aventure humaine, bouleversante, tout simplement.
« À la lisière du monde », de Ronald Lavallée. Les Presses de la Cité. 23,00€.
Patrice Gagnant