« Killarney Blues », quarante nuances de vert et un polar singulier au pays du bodhrán, du fiddle et du Uilleann pipe. 

Killarney, une petite ville si tranquille du sud-ouest de l’Irlande. Et quarante nuances de vert, au moins, d’un vert lumineux qui vient éclater contre le plafond du ciel bleu. Bernard Dunphy est un jarvey dans cette jolie cité qui suinte pourtant l’ennui et la fatalité. Un jarvey, c’est-à-dire qu’il promène les touristes dans sa calèche en leur racontant les légendes locales avant de retourner le soir chez sa mère pour se plonger dans la musique et les blues qu’il compose.

Son autre passion, c’est Marian, une jeune femme dont il est amoureux depuis l’enfance. Il lui envoie les cassettes de ses compositions mais, jamais, il ne pourrait lui avouer son amour. Car Bernard Dunphy est un peu différent, il souffre d’un léger autisme qui a fait de lui depuis toujours la tête de turc des autres enfants, puis des adultes. D’ailleurs, le roman débute par son passage à tabac méthodique, quand deux cousins de Marian décide de le convaincre d’oublier la jeune femme.

Killarney blues est un roman inclassable porté par le blues qui donne sa singularité à cette œuvre menée au pays du bodhrán et de la musique celtique. Il oscille entre lumière et obscurité avec des personnages qui luttent contre leurs démons intérieurs. Ici, pas vraiment d’intrigue, mais le lent déroulé d’âmes tourmentées qui connaissent la trahison, le mépris et la douleur. Et quand un beau jour un meurtre est commis à Killarney, d’autres drames anciens remontent à la surface comme des cadavres qui s’extirperaient de la boue d’un lac.

Comme dans toute tragédie antique, il y a un amphithéâtre, le pub où on sert une fabuleuse Guiness merveilleusement crémeuse, un choeur, les buveurs fatalistes suspendus à leur choppe de bière, et des héros poursuivis par la haine des diables et des dieux.

Killarney Blues, de Colin O’Sullivan. Rivages/Noir. 8,50 €. (Prix Mystère de a critique)

Patrice Gagnant