« Délicieuse », une tragédie amoureuse qui fait se croiser réseaux sociaux et mythologie grecque. Jouissif
Une femme se met à table. Doublement. D’abord en dégustant avec gourmandise une viande délicate parfumée aux épices indiennes. Elle le fait devant la caméra qui va balancer sur les réseaux sociaux la confession qu’elle adresse, la bouche pleine, à son mari.
Cette femme, c’est Martha Delombre, une psychologue qui côtoie en prison quelques beaux monstres, psychopathes cannibales ou violeurs de petites filles… Pour elle, le monde s’est arrêté de tourner lorsque ce mari dont elle reste follement amoureuse lui a annoncé qu’il partait pour vivre une nouvelle histoire d’amour. Il la laisse en plan avec leur fils de neuf ans et sa nouvelle solitude pour rejoindre Sabine. La blonde Sabine, l’ennemie qu’elle n’aura désormais de cesse de « réduire à un accessoire incongru » en introduisant entre les corps des deux amants une souffrance « manufacturée ». Comme une araignée qui enfermerait sa rivale vénéneuse dans sa toile.
A l’heure de Facebook, de Snapchat ou de WhatsApp, la confession n’a rien d’impudique ou d’exhibitionniste. Elle ramène plutôt à des textes fondateurs de la mythologie grecque où les protagonistes se dévorent allègrement sous les yeux de dieux impassibles.
Car « Délicieuse », c’est d’abord une tragédie amoureuse qui fait se croiser les réseaux sociaux et quelques mythes bien féroces. C’est un roman d’amour noir, très noir, mené de main de maître, l’autopsie d’une passion qui s’effondre et d’une vengeance menée avec une précision diabolique.
L’affaire s’achèvera non pas par un divorce chez le juge des affaires familiales mais devant la table d’un banquet. Jouissif !
« Délicieuse », de Marie Neuser. Fleuve noir. 20,90€.
Patrice Gagnant